En trail, lorsque l’on aborde le sujet des descentes avec les coureurs, les avis et les performances divergent car ce n’est pas facile de gérer les descentes.
On peut souvent séparer les coureurs en deux groupes : ceux qui répondent “j’adore ça” et ceux qui sont plutôt en mode “ce n’est pas vraiment ma tasse de thé”.
Rassurez-vous, à chacun sa solution : s’entraîner et travailler sa technique pour les personnes qui ne sont pas des adeptes de la descente et pour les passionnés de descente il y a toujours de quoi améliorer ses performances.
Dans cet article, Jean-Claude notre spécialiste trail nous explique comment mieux gérer les descentes en trail running.
Les éléments à prendre en compte lors d’une descente en trail
Pour mieux gérer les descentes en trail running, il est important de garder quelques éléments à l’esprit et d’analyser l’activité de votre corps.
Lors d’une descente, votre corps se déplace dans le même sens que la gravité. Cette activité est dite frénatrice, c’est-à-dire qu’elle ralentit l’activité de certains organes. Cela va permettre de rester à une vitesse “raisonnable” associée à une gestion de la trajectoire.
Les éléments primordiaux qui sont à garder à l’esprit et qui vous permettront de mieux gérer les descentes sont les suivants :
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La technique
C’est la capacité à limiter les variations de vitesses et les oscillations verticales du centre de masse. Cela équivaut à un coureur « fluide », c’est-à-dire qu’à l’œil nu on ne distingue pas de brusques changements de vitesse ou de trajectoire.
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L’aspect physiologique
Les régimes de force utilisés en trail running sont spécifiques et nécessitent un entraînement particulier.
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L’aspect psychologique
Les antécédents comptent aussi, si vous avez un vécu et une appréhension vis-à-vis de la descente, ça se travaille ! Un coureur qui débute et s’est cassé une jambe dans la descente de son premier trail aura plus de mal à se “lâcher” dans les descentes.
Il n’est pas toujours évident de savoir parmi ces éléments lesquels on maîtrise ou non. Lors de la descente, on sait souvent où l’on a mal mais pas forcément pourquoi. C’est assez complexe d’analyser si cela est dû à une mauvaise technique ou à une préparation physiologique insuffisante.
Bien comprendre l’aspect physiologique :
Afin d’éviter que votre préparation physiologique soit insuffisante, Jean-Claude nous éclaire sur les différentes formes de contractions musculaires pour comprendre son corps.
L’idéal est bien sûr de combiner les compétences techniques et physiologiques lors de vos séances d’entraînement.
Le quadriceps : les différentes formes de contractions musculaires
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Isométrique :
Vous pouvez contracter votre quadriceps de façon isométrique, c’est-à-dire que les insertions (liaisons entre les tendons et les os) ne bougent pas. Par exemple, c’est le cas lorsque l’on fait la chaise.
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Concentrique :
Vous pouvez contracter votre quadriceps de façon concentrique, c’est-à-dire que les insertions se rapprochent. Par exemple, c’est le cas lorsque l’on passe sous une barre et que l’on se relève est squat.
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Excentrique :
Vous pouvez contracter votre quadriceps de façon excentrique, ici, contrairement aux contractions précédentes, les insertions vont s’éloigner. Par exemple, c’est le cas lorsque vous passez sous une barre et que vous descendez.
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Pliométrique :
Vous pouvez contracter votre quadriceps de façon pliométrique, cela se produit quand vous enchaînez très vite une contraction excentrique puis une contraction concentrique. Par exemple, vous sautez d’un contre haut et rebondissez pour ensuite remonter sur un autre contre haut.
L’apparition des dommages liés aux contractions musculaires
En ce qui concerne les descentes en trail running, ce sont les contractions excentriques qui nous intéressent. En effet, ces contractions sont de nature à provoquer des dommages au niveau des cellules musculaires. Sur la fibre isolée on remarque les choses suivantes :
- Quand on étire la fibre de façon répétée et importante => aucun dommage.
- Quand on contracte la fibre de façon répétée et importante => aucun dommage.
- Quand on étire la fibre ET on la contracte en même temps => les dommages apparaissent.
La nature des dommages provoqués
Les muscles sont constitués de fibres et les fibres sont constituées de filaments. Les filaments épais (myosines) coulissent sur les filaments fins (actines) et rendent le mouvement possible. Les filaments fins sont attachés sur la strie Z et c’est précisément à cet endroit que les dommages apparaissent. Après une grosse sollicitation en descente, on assiste à un effilochage des filaments.
Suite à cette déstructuration, c’est un peu la panique au niveau cellulaire, les membranes souffrent. Elles deviennent perméables et laissent passer dans le milieu extérieur un certain nombre d’enzymes qui n’ont rien à y faire.
Pour se rendre compte des dégâts, le dosage des CPK est souvent utilisé comme marqueur de la souffrance cellulaire. Il suffit de jeter un œil à la couleur des urines pour le savoir. Le rein est soumis à rude épreuve lors de ces dommages.
La reconstruction des dommages
Attention ! Petit rappel, les reins souffrent lors des dommages mais en aucun cas les anti-inflammatoires ou l’aspirine sont une solution. Au contraire, lorsque vous prenez un anti-inflammatoire ou de l’aspirine durant une épreuve d’ultra-endurance, vous perturbez votre filtration rénale. Vous êtes donc directement exposés à une insuffisance rénale. Chaque année, plusieurs cas de rhabdomyolyse sont diagnostiqués, plusieurs trailers se retrouvent sous dialyse avec parfois une issue « défavorable ».
Après les dommages, il faut nettoyer votre corps qui décidera ensuite si les cellules lésées peuvent être conservées ou si elles doivent être « recyclées ». Ceci va créer un phénomène inflammatoire dont l’intensité va dépendre de l’étendue des dommages.
Ensuite il faudra reconstruire. Et heureusement pour nous, la reconstruction sera plus solide que l’ancien édifice. On parle d’un effet protecteur. La programmation de l’entraînement va se baser sur des séances à intensité croissante avec un temps de récupération adapté.
D’ailleurs, pour reconstruire son corps, il faut lui donner des matériaux. De manière générale, grâce à des études, on remarque une amélioration des marqueurs sanguins et de la perception de la douleur avec une prise de protéines pré-effort. Cette prise associée à une autre prise immédiatement après et 8 autres prises réparties sur les quatre jours suivants. La même quantité de protéines apportées différemment ne procurait pas les mêmes bénéfices.
Pourquoi la reconstruction fait-elle mal ?
Le nom anglais des courbatures est DOMS. Cette appellation commence par un D qui veut dire delayed, c’est-à-dire que les douleurs arrivent plus tard, avec un pic de douleur à 24/48 heures de la sollicitation. La douleur vient de l’inflammation.
On peut donc museler la douleur à l’aide d’anti-inflammatoires. Sauf que l’inflammation est au service du processus de reconstruction, donc si on la stoppe, on limite aussi l’effet protecteur à venir. Donc le mieux est de laisser faire, si la douleur est supportable.
Et si vous avez compris que les fibres musculaires sont « effilochées », vous ne direz plus que vous avez mal aux jambes parce que vous n’avez pas fait vos étirements. Vous conviendrez aussi que ce pauvre acide lactique n’est pas non plus un coupable plausible.
Parfois, les douleurs ne sont pas proportionnelles à l’exercice. Il faut alors questionner l’existence d’un autre foyer inflammatoire ou des pratiques alimentaires inadaptées (carences en acide gras, en vitamine D, apport protéique insuffisant…
En pratique, comment faire pour progresser en descente ?
Chaque cas de figure est différent en fonction de la course, du dénivelé lors de la descente et du coureur. Si l’on regarde de plus près selon les cas de figure, voici les conseils de Jean-Claude :
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Pour un coureur rapide sur un trail court
Vous pouvez commencer avec quelques séances « d’endurance de descente ». Ce sont des séances progressives à faire jusqu’à ce que 3 000 mètres de dénivelé négatif n’engendrent plus de DOMS significatifs.
L’intervalle de récupération entre les sollicitations dépend des DOMS, de l’origine géographique du coureur… Des écarts de plusieurs semaines entre les entraînements ne sont pas choquants.
Jean-Claude et son groupe d’entraînement utilisent un véhicule pour ce type de séance. Ainsi, ils partent du bas en guise d’échauffement, puis, arrivés en haut, ils font demi-tour et réalisent leur première descente. Ensuite, ils utilisent la voiture pour remonter et réaliser d’autres descentes. Les parcours font généralement entre 600 et 1 500 mètres de dénivelé négatif.
Vous pouvez continuer avec un travail « normal » axé sur des répétitions courtes (1 à 3 mn) et des répétitions longues (10 à 40 mn). Il est intéressant d’associer un objectif technique à la séance. L’utilisation de la vidéo lors de passages techniques est particulièrement utile pour analyser votre descente par la suite.
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Pour un coureur “mauvais descendeur”
Il faudra être très progressif dans son approche et orienter la plus grande partie de la pratique vers l’endurance et le relâchement.
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Pour un coureur des plaines
Il n’y a pas de miracles, il faut s’entraîner en conditions réelles. Il vous faut prendre un abonnement pour vous rendre régulièrement à la montagne sur le terrain. Puis, vous pouvez envisager sur le terrain de faire un travail de musculation excentrique et orienté vers la force max (avec modération et sous les conseils d’un professionnel de préférence).
Le trail running reste une activité récente. Jean-Claude dispose déjà de nombreuses astuces et au fur et à mesure des courses, des séances d’entraînement s’inventent pour faire évoluer le niveau des pratiquants.